Les Bottes de la discothèque

Cette paire de bottes est discrète dans ma collection mais elle n’en est pas moins importante à mes yeux… Le comble c’est que c’est devenu rare que je sorte avec désormais.

Un peu comme si inconsciemment j’en avait fait une sorte de relique d’un temps passé. Je vous explique cela dans ce qui suit et ainsi vous pourrez me dire si j’exagère un peu ou pas.

Une période trouble

Lorsque j’ai commandé ce modèle neuf sur Internet, il s’agissait d’une période un peu particulière pour moi. Mon couple commençait à battre de l’aile et d’ailleurs ce dernier finit par imploser très peu de temps après.

C’est alors que je fis mon coming out d’homme travesti auprès de mes parents qui de leur côté appréciaient surtout le fait que je ne sois plus avec mon ex qui selon eux m’empêchait d’évoluer. Pas sur le plan du travestissement car elle le savait depuis nos débuts presque quatre ans auparavant. C’était plus sur le plan de l’épanouissement relationnel on va dire. Je vous épargne les détails et ne suis pas là pour blâmer personne car mon ex était quand même une nana d’une infinie gentillesse il faut bien le reconnaître. Et la séparation s’était faite d’un commun accord car il s’était avéré qu’il valait mieux pour les deux qu’il en soit ainsi.

Donc sitôt ce fait d’armes réalisé que fut tout déballer à mes paternels, j’ai pu me sentir plus apaisé-e. Désormais pour moi vivre comme je le souhaitais me paraissait infiniment plus facile, et surtout bien moins angoissant. J’avais coupé le cordon il y a longtemps avec mes parents. Mais le fait de les mettre dans la confidence m’a paru alors un acte fort doublé d’une preuve d’amour réciproque. Rassuré-e d’avoir trouvé un équilibre entre franchise et assurance, une nouvelle ère m’ouvrait donc en grand ces portes.

Ma première sortie en boîte de nuit

Peu de temps après le coming out j’ai eu l’occasion de multiplier les sorties avec mon carnet d’adresses avec lequel je commençais à faire également une mise à jour sur ce sujet. Une amie de longue date m’avait proposé une sortie en boîte et c’est ainsi que je fis cette expérience.

N’ayant à l’époque peu de modèles de chaussures et encore moins avec lesquels je me sentais bien, je me suis donc tout naturellement tournée vers ces bottes hautes qui me procuraient à la fois une certaine hauteur supplémentaire et une relative assurance de protection.

Je ne sais pas pourquoi mais ma conscience naturellement craintive liée à un imaginaire des plus féconds me recommandaient de mettre des bottes pour une sortie de ce calibre. Ce n’était en effet pas une simple balade de quartier comme j’avais l’habitude d’en faire depuis fort longtemps (et fort discrètement). Je m’étais convaincue moi-même que la situation pouvait à un moment donné prendre une mauvaise tournure.

Un effet psychologique

Les cas d’altercations et de rixes peuvent vite arriver en discothèque. Ce n’est pas pour rien qu’un service d’ordre sérieux y est présent. Je me suis donc dit que si ça tournait mal je n’aurais pas trop à craindre pour mes tibias et mes mollets, la botte étant haute et protégeant efficacement ces parties de mes gambettes… En même temps ce n’est pas une simple enveloppe de simili cuir qui arrête les coups sur des jambes mais l’effet psychologique de porter un tel modèle me mettait en confiance.

A la finale comme dit souvent l’amie en question je n’ai jamais eu à me battre ce soir-là ni un autre d’ailleurs. Ou tout du moins pas encore !

Dernière chose : c’est aussi le jour où j’ai bien noté dans un petit coin de ma tête qu’il faut aussi se prévoir dans la mesure du possible une seconde paire de chaussures moins hautes après une telle soirée ! J’aurai donné n’importe quoi pour avoir des ballerines ce petit matin-là !

E D I T H D E N A N T E S

Le Bloody Mary

Voilà bien un classique de bar voire même de gastronomie pure qui se laisse toujours apprécier. Ce super jus de tomate amélioré à la vodka reste un choix de breuvage des plus populaires et des plus savoureux. On voir cela de plus près.

La légende Hemingway

Avant d’aborder la recette en elle-même, j’aime particulièrement narrer cette anecdote des plus cocasses. Cette dernière au passage pourra toujours ravir vos convives à qui vous servez un Bloody Mary. Ou toute personne autour de vous qui apprécie ce genre d’histoires : il s’agit de l’origine même du fameux cocktail.

Si on estime que la recette d’origine a été inventée quelque part dans les années 20, il est une autre version qui revient très souvent et dont la crédibilité s’est renforcée au fil du temps. La légende veut donc que le Bloody Mary ait été institué un peu par hasard par l’écrivain américain Ernest Hemingway.

Ce dernier avait une épouse qui s’appelait Mary et qui voyait d’un très mauvais œil sa consommation d’alcool qui lorgnait souvent sur l’excessif. Mais bon on n’écrit pas des chefs d’œuvres comme L’Adieu aux Armes ou Le Vieil Homme et la Mer sans être de temps en temps dans un état un brin second. Mais bon ça c’est un autre débat. On fera un article là-dessus prochainement !

En plus d’être à cette époque un bon pote du leader cubain Fidel Castro et d’apprécier la consommation d’autres cocktails comme le Mojito, c’est à Hemingway que l’on doit la paternité du Bloody Mary. Qu’il a inventé presque par mégarde. Ceci s’est fait en demandant à un barman de lui confectionner un cocktail à base de vodka dans lequel sa femme ne pourrait pas deviner la présence d’alcool à l’odorat et au goût. Et quiconque a déjà goûté un Bloody Mary bien fait pourra vous le confirmer : on ne sent pas l’alcool.

La recette en elle-même

Alors on met quoi là-dedans pour passer le goût de la vodka ? Pour commencer sachez que vous pouvez le faire soit au verre soit au shaker. Ma préférence va au shaker, les ingrédients étant à mon sens mieux mélangés.

Prenez une vodka de qualité standard et servez 4 à 6 cl. Versez du jus de tomate à hauteur de 10 à 12 cl. Pressez la moitié d’un citron jaune (sans les pépins qui risqueraient d’obstruer la paille). Bombardez de sauce Worcestershire, de sel, de poivre et de tabasco. Pas obligatoire mais néanmoins important pour son goût et qui lui rajoute du charme : du sel de céleri.

J’allais oublier : chargez en glaçons mais pas en glace pilée. Secouez au shaker dix secondes et passez le tout avec les glaçons dans un verre tulipe de taille moyenne. Ou mieux dans un grand verre à vin pour plus de style (prononcez staïle). Vous pouvez aussi filtrer votre préparation en conservant vos glaçons dans le shaker. Mais dans ce cas-là n’oubliez pas de prendre un verre plus petit car vous aurez moins de liquide pour remplir ce dernier.

Un accord mets et vins possible ?

Tout est une question de goût. Si c’est bien évidemment préférable de marier astucieusement des alcools de type bière et/ou vin avec un bon repas, il est en revanche bien plus délicat de procéder à cette union avec une boisson de type cocktail.

Le Bloody Mary est – à mon sens – l’un des rares contre-exemples qui peuvent s’accorder avec une bonne table. Là encore le fait que l’on ne sente presque pas le goût de la vodka sous le palais y joue pour beaucoup. Il ne neutralise pas le goût ni n’altère le plaisir de la nourriture. Mais pas n’importe laquelle non plus. C’est un accord mets et vins voyons !

Tout comme servir du vin rouge avec du poisson ou des fruits de mer constitue l’hérésie absolue, on évitera de se saouler avec ce cocktail sur de tels mets. Ni même avec des viandes rouges d’ailleurs. Il peut en revanche se révéler un compagnon aussi inattendu que délicieux avec des viandes blanches et notamment avec la volaille. Voire certains fromages à pâte persillée.

Une science abordable

Dernier détail en ce qui concerne l’art de la table. A moins de vouloir contrebalancer leur aspect sucré il est préférable de ne pas le boire avec les desserts. Mais tellement parfait à l’apéro sinon ! Pourquoi donc ? Mais tout simplement parce qu’il ne truquera pas fondamentalement tout ce qui suivra jusqu’à votre ultime digestif de fin de repas.

Ah les alcools blancs… C’est toute une science quand on prend le temps d’aimer cela et de s’y pencher un peu. Mais fort heureusement c’est une science qui reste abordable. Et pas que pour votre portefeuille.

→ Lien Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bloody_Mary

→ Un site de cocktails bien ficelé
https://www.1001cocktails.com/

Indochine “Paradize” [2002]

Réduit au début des années 2000 au seul Nicola Sirkis (qui avait perdu son frère en 1999 en plein enregistrement de l’album Danceteria), c’est avec une nouvelle équipe qu’Indochine débute l’année 2002. 

Retour gagnant

Malgré une période de traversée du désert médiatique dans les années 90, le groupe s’était pourtant bonifié en quelques disques. Mais c’est l’album Paradize de 2002 qui le fit revenir définitivement sur le devant de la scène. Cela lui apporta une nouvelle génération de fans et une reconnaissance de la critique qui ne put que constater ce retour de forme qu’il n’était plus permis désormais d’ignorer.

Conçu comme une longue plage sonore (les titres s’enchaînent les uns les autres), composé de nombreux morceaux qui deviendront des classiques du groupe (le premier single “J’ai Demandé à la Lune” composé par Mickey 3D, “Punker“, “Marylin” pour ne citer qu’eux), Paradize surprend dès son introduction. Il en effet très étonnant de se dire que c’est ici le même groupe qui a écrit “3ème Sexe“, “Kao Bang“, “Des Fleurs Pour Salinger” et sans oublier le standard “L’Aventurier“, point d’orgue lors des concerts.

A la recherche de la mélodie ultime

Mélange de pop énergique et de rock industriel au service de mélodies accrocheuses, le style voulu par son leader sur cet opus est volontairement conçu comme l’inverse de ce qu’avait fait Indochine jusque-là et entrevu seulement sur Danceteria. Nicola Sirkis révélait à l’époque son souhait de composer des morceaux plutôt que des chansons, tout en étant constamment à la recherche d’une recette pour écrire des mélodies puissantes.

Cela se ressent particulièrement de bout en bout sur tout le disque, quinze titres très efficaces allant du pop/rock interprété sans bavure (“Electrastar”, “Mao Boy“, “Like A Monster“) à un son plus mélodique (“Le Manoir“, “Dark“). “Le Grand Secret” est un grand morceau, une ballade qui arrive au milieu du disque pour temporiser un peu cette fureur ambiante. L’album étant résolument péchu, on ne retrouvera cette ambiance un brin plus apaisée pour une seconde et dernière fois qu’à la toute fin du disque (“Un Singe en Hiver” compo de Jean-Louis Murat).

Enfin ce disque est fortement marqué par une certaine forme de spiritualité, de quête du sens de la vie, de sexualités qui se cherchent et autres formes de doutes existentiels. Cela en fait la bande son parfaite qu’une jeunesse d’alors (dont moi-même) adopta car se reconnaissant dans tous ces thèmes. Et qui explique l’importance de la part du public jeune dans les concerts du groupe.

Des suites logiques

Le double album qui suivra en 2005 Alice & June sera considéré comme une demi-suite de Paradize, ce dernier étant lui-même l’aboutissement d’une trilogie commencée presque dix ans avant avec Wax (et dont le son global était déjà très différent).

Le succès du groupe dont le personnel restera quasiment identique dans les années à venir ne se démentira plus. Ils seront le premier groupe de rock français à se produire au Stade de France et ce désormais à chaque tournée à partir de 2010 (voir le double album live Putain de Stade).

Indochine continuera longtemps après à reproduire le même coup artistique que sur ce disque en restant dans cet univers un brin ténébreux teinté de gothique scintillant.  Mais il faut bien le reconnaître : ce ne sera pas tout à fait le même genre de Paradize.

→ Lien Wikipédia sur
https://fr.wikipedia.org/wiki/Indochine_(groupe)

→ Site officiel
https://indo.fr/

(Ne Pas) Marcher à l’ombre

Petite réflexion personnelle…

Combien de fois ça m’est arrivé ? C’est impossible à calculer comme cela. Autant compter les feuilles dans un arbre. C’est une image que j’aime bien reprendre dans pas mal de propos, articles, etc. pour illustrer au mieux avec très peu de mots une image forte. Bien heureusement désormais je n’ai plus à raser les murs pour rester dans l’ombre.

Une petite explication linguistique

Lorsque l’on dit marcher à l’ombre on parle de quoi en fait ? Alors non il ne s’agit pas du film Marche à l’Ombre de Michel Blanc de 1984 ni de la chanson de Renaud de 1980…

Marcher à l’ombre est une expression qui désigne le fait de vouloir avancer tout en se cachant. C’est aussi curieux que cela se pratique facilement. En effet ce n’est guère compliqué. Il vous suffit de marcher discrètement sans qu’on vous remarque, en général de nuit par exemple.

C’est vraiment curieux. Cela me fait penser à moi il y a quelques années où la solitude et la pénombre étaient mes meilleures alliées. Parce que oui c’est cela qui constitue la fameuse ombre qui peut protéger autant qu’elle peut enfermer.

Des phases de rodage

Quand on pratique comme moi le travestissement en dehors de la sécurité de son salon, il est évident que les nombreuses premières fois ne sont pas forcément des parties de plaisir. Le danger règne ici-bas partout. Tout devient potentiellement une source de danger.

On n’a pas envie de se faire surprendre. Le côté interdit, l’aspect honteux, la réputation à protéger, etc. C’est normal autant que c’est frustrant. Quand un travesti éprouve le besoin de sortir de chez lui, il a besoin d’optimiser ses chances pour éviter tout type de désagrément fortuit qui pourrait lui être fatal. Faire une mauvaise rencontre ou tout simplement être vu de loin constituent des craintes qui peuvent tour à tour paralyser et abandonner toute envie de nouvelle expérience.

Qui plus est pas la peine de vous faire un dessin pour l’ensemble de mes consoeurs qui vivent dans des coins dits « à risques » : le travestissement que personnellement je pratique est impensable dans certains quartiers de grandes villes ou dans certains coins trop reculés de rase campagne. L’enfer c’est les autres comme disait Sartre.

Sortir de l’ombre

Je n’ai pas de solution miracle à proposer à mes consoeurs ou même à toute personne un brin originale par son physique et/ou son accoutrement. Pour sortir de l’ombre il n’y a peut-être que deux solutions qui peuvent fonctionner tout en se complétant : le mental et l’expérience.

Sans un puissant mental pas d’expérience possible. Et sans expérience le mental ne se renforcera pas. Donc pour évoluer il faut d’abord travailler sur soi, raisonner différemment pour pouvoir ensuite se donner les moyens de pouvoir vivre comme on le souhaite.

Viendra ensuite l’expérience. Car c’est en multipliant les sorties dans la lumière que l’espoir de pouvoir s’affranchir de l’ombre pourra se concrétiser de façon plus perceptible. Ce ne sera pas forcément une partie de plaisir. Mais c’est tout sauf impossible non plus. La vérité est quelque part au milieu. Mais on peut y arriver.

C’est là tout le mâle que je vous souhaite. Good Night. And Good Luck.

La Caipirinha

Tout sur ce cocktail bien sympathique qui est une variante du Ti Punch. A moins que ce ne soit l’inverse.

De lointaines origines

C’est souvent le cas avec des cocktails qui se préparent au verre : leur origine est assez ancienne et leur vertu première était lié à une forme disons ludique des prémices de la médecine moderne. On grossi un peu les choses mais c’est pour mieux illustrer le propos.

Tout comme le Mojito qui servait dans sa forme primaire à soigner de redoutables maladies au XVIIème siècle telles que le scorbut des marins, la Caipirinha est apparue de la même manière pour combattre efficacement ce genre de pathologie. La présence bénéfique d’un agrume tel que le citron vert combinée à une dose non négligeable d’un puissant remontant avait en effet des vertus certaines pour le traitement de désagréments liés à des maux de ventre ou toute autre forme de problématique de tube digestif.

Cachaça está Cachaça

L’alcool de base qui permet de composer ce cocktail ultra populaire est la Cachaça. C’est une variété de rhum qui en fait n’en est pas vraiment. Cela n’a rien de présomptueux mais on préfère vous mettre en garde. Surtout si naguère vous avez un jour une conversation sur ce sujet avec une personne d’origine brésilienne particulièrement chauvine : ne lui dites jamais que la Cachaça n’est rien d’autre qu’un simple rhum.

En effet cet alcool de production purement brésilienne qui possède un grammage de 40% est considéré comme un élément à part entière du patrimoine culturel de ce pays. Alors certes c’est un alcool qui est une sorte de cousin proche du rhum. Mais Cachaça está Cachaça. Et rien d’autre ! Inutile de vous le traduire je pense que c’est aussi clair que sa couleur d’alcool blanc.

La recette

Aussi évident que le cocktail molotov est une arme simple et efficace, une Caipirinha est une préparation des plus faciles à réaliser et dont l’effet sera toujours garanti. Bon là aussi à condition de bien viser quand vous en consommez une !

Prenez un verre à fond plat de petite taille pour faire une ration normale. Vous pouvez prendre un verre de calibre supérieur mais le piège est mortel : vous risquez de démultiplier la dose ce qui n’est jamais une bonne idée. Surtout lorsque d’autres nombreux verres ont précédé et/ou vont suivre la consommation de la Caipi (diminutif souvent employé de ce cocktail).

Découpez en deux un citron vert puis en petits dés la moitié dudit citron avant de les mettre dans le verre. Pressez-les ensuite avec un pilon. Faites cela avec force pour créer du jus mais en modérant votre geste pour éviter de faire de la bouillie qui fera un peu tâche lors de la présentation du verre.

Mettez ensuite une bonne dose de cassonade et remplissez de glace pilée jusqu’au bord. A défaut de glace pilée utilisez des glaçons de très petite taille. On passe ensuite sur le tout la fameuse Cachaça qui va se répandre entre les déSs de citrons et la glace. 4 à 6 cl suffisent amplement. Touillez cela avec une petite cuillère que vous pouvez laisser dans le verre pour ensuite continuer à mélanger nonchalamment le breuvage lors de sa dégustation. On le sert toujours avec une paille car c’est bien plus pratique pour le boire.

Et voilà ! A consommer avec beaucoup de modération. Le seuil en général c’est trois verres. Après je ne peux rien vous garantir…

→ Lien Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Caïpirinha

→ Un site de cocktails bien ficelé
https://www.1001cocktails.com/

Etienne Daho “Corps et Armes” [2000]

Sorti en 2000, Corps et Armes est une des meilleurs enregistrements d’Etienne Daho, qui avec le temps est passé de jeune espoir à grand monsieur de la pop française dans ce qu’elle a de meilleur.

Un disque solaire

Quatre après l’élégiaque Eden sorti en 1996 (“Au Commencement“, “Les Pluies Chaudes de l’été“, “Soudain“), Daho enregistre ce disque qui prend moins de risques musicalement en délaissant notamment les envolées jungle du précédent disque. En revanche il démontre à toutes celles et ceux qui en doutaient encore de son indéniable talent mélodique.

Corps et Armes possède des arrangements somptueux à base de cordes et de cuivres couplés à des textes ciselés qui font mouche. L’album débute par une “Ouverture” aussi belle qu’envoûtante, sommet incontournable de nombreux concerts à venir.

Des titres de choix

Le Brasier” est une remarquable chanson d’après rupture, tout comme le splendide “La Baie” et sa trompette déchirante qui procure ce genre de petit je-ne-sais-quoi-de-frisson lorsqu’on l’écoute pour la première fois. Assurément un des tous meilleurs morceaux de la longue carrière du Rennais (quatre décennies à ce jour).

On y trouve aussi un titre chanté en anglais et en duo avec Vanessa Daou “Make Believe“, un mid tempo entraînant (“La Nage Indienne“) et le morceau titre qui est lui est une ballade de choix comme Daho en a écrit une bonne trentaine dans sa carrière.

Pour celles et ceux qui écoutent encore de la musique en format CD, vous pourrez également découvrir en piste fantôme dix bonnes minutes après la fin du dernier titre une autre piste cachée. C’est un instrumental qui reprend pêle-mêle dans une sorte de mix final tous les titres de l’album susurrés par la voix de velours de Daho. Comme une sorte d’adieu dans un dernier et ultime souffle de vie.

A suivre

Qu’on se rassure la carrière de Daho ne s’est pas arrêtée après ce disque qui reste un de ces sommets qu’une discographie peut se targuer d’avoir dans ses rangs. D’autres albums tous aussi bons suivront. Le plus bel exemple étant vraisemblablement Les Chansons de l’Innocence Retrouvée en 2013.

Si j’ai le temps je ferai également un article sur ce dernier disque. Et Eden aussi. Mais bon en attendant savourez donc ce Corps et Armes car ça en vaut vraiment le détour. Même moi qui suit beaucoup plus fan de musiques internationales anglo-saxonne et américaine, je consomme depuis longtemps sans modération ce disque de chanson française. Qui vieilli par ailleurs très bien.

La musique d’ailleurs

C’est d’ailleurs peut être par là qu’il faut chercher pour expliquer une des raisons de la longévité du succès d’Etienne Daho. Une bonne partie de son inspiration provient en effet de ces musiques qu’il a su parfaitement digérer pour en constituer un son qui lui est propre.

Neil Tennant du groupe britannique Pet Shop Boys incluera “La Baie” sur la compilation mixée Back To Mine en 2005 en déclarant que c’est le genre de musique idéale dans les deux heures avant d’aller dormir…

Si avec cela vous faites un cauchemar bon bah je ne peux rien faire pour vous.

E D I T H D E N A N T E S

Tracklist:
01 Ouverture (4:10)
02 Le Brasier (3:59)
03 Rendez-Vous A Vedra (3:42)
04 Corps & Armes (4:07)
05 La Nage Indienne (4:04)
06 Les Mauvais Choix (3:09)
07 L’Année Du Dragon (4:21)
08 Make Believe (3:29)
09 La Baie (5:22)
10 La Mémoire Vive (4:05)
11 San Antonio De La Luna (3:42)

→ Lien Wikipédia sur
https://fr.wikipedia.org/wiki/Étienne_Daho

→ Site officiel
https://dahofficial.com/

Dance Tracks “Do You Know House?” [2001]

Alors autant le dire tout de suite : il y a fort à parier que cette collection de titres ne soit pour l’auditeur moyen qu’une énième compilation de vieilleries électro un peu vintage voire kitsch. Le son que l’on faisait à cette époque n’a en effet plus rien à voir les productions qui ont suivi depuis la fin des années 90 jusqu’à nos jours (à savoir la fin des années 2010 à l’heure où j’écris cet article).

Un échantillon de toute une époque

Le courant musical de la House music a démarré vers le début des années 80 aux Etats-Unis à Chicago. D’autres grandes villes comme New York ou Detroit lui ont très vite emboîté le pas. Se développeront alors des dérivés qui seront respectivement pour la première le Garage (de la house axée sur les vocaux) et la Techno pour la seconde.

Les titres proposés sur Dance Tracks vont de 1988 à 1996 et se suivent dans un ordre chronologique pour remonter des temps les plus anciens à ceux plus proches. Ce disque qui date quant à lui de 2001 est la photographie parfaite de la période qu’il met en avant à travers ce mix finement réalisé de bout en bout.

Le set

Dance Tracks commence avec Pacha “One Kiss [Fos Mix]“, longue suite envoûtante qui vous plonge immédiatement dans l’ambiance de la fin des années 80 avec ses envolées de synthés et ce tempo jazzy en contrepoint, le tout agrémenté de quelques vocaux sensuels à souhait. L’album oscille ensuite vers des sonorités plus robotiques (Gypsy “Funk De Fino“) ou lorgne vers un groove jouissif (Alexis P. Suter “Stop ! We Need Each Other“).

On trouve plus loin le délicieux Norma Jean Bell “Nobody’ Gonna Love Ya“, puis Bon Holroyd “African Drug” au son tribal pas si minimaliste que cela… Vient ensuite le groovy Simphonia “Can’t Get Over Your Love [Joey Negro Mix]” et enfin pour clore en beauté “Inspiration” de Kerri Chandler.

Merci de manipuler ces disques avec précaution

Pour s’immerger dans cette ambiance si particulière je vous recommande chaudement de consacrer une heure et dix-sept minutes pour prendre le temps de savourer pleinement ces sons issus d’un temps finalement pas si lointain. Comme mentionné dans la pochette intérieure, c’est comme manipuler des disques vinyles avec tout le soin qu’ils méritent.

On peut être un peu déboussolé.e si on est pas très familier de ce genre de musique. La plupart des titres sont instrumentaux et il n’y a aucune piste qui fut un tube en particulier. Vous pouvez voir cet album comme une sorte de paysage musical traversé par intermittence par des vocaux qui apparaissent pour vous narrer un détail de l’histoire, un peu comme une voix off le ferait sur un documentaire contemplatif.

Dance Tracks

Sur la pochette du disque, on découvre Dance Tracks. Cette boutique d’apparence un peu hétéroclite était un magasin spécialisé de musique qui proposait des disques à l’import ou d’occasion comprenant raretés, versions alternatives, remixes et autres bootlegs. Un de ces petits endroits incontournables pour tout DJ, collectionneur passionné.e ou mélomane assidu.e qui se respecte.

Malheureusement les temps sont durs pour tout le monde et à notre grand dam cette boutique est désormais fermée. On ne peut donc plus s’y rendre pour y trouver de disques. Mais en revanche la devanture est restée dans un état assez proche de celle qui apparait sur la pochette. Si vous souhaitez y aller pour le coup d’œil vous pourrez trouver cette boutique new yorkaise dans l’East Village à Manhattan au croisement de la 1st Avenue et la 3rd Street.

Plaisir coupable

Pour finir je vous narre une petite anecdote : je m’amuse régulièrement à écouter ce disque avec une platine CD de type Pioneer CDJ-200. Au début des années 2000 cet outil était le must pour tout DJ. Pioneer était en effet la première marque à avoir inventé le changement de tempo sans modification du son d’origine (comme lorsque l’on met un disque vinyle 33 tours en mode 45 tours et vice versa).

Je varie donc régulièrement le tempo en +/-6, +/-10, +/-16% et à chaque fois l’écoute est sensiblement différente et ce sans pour autant avoir un son désagréablement truqué. Bon vous me direz on peut faire cela avec n’importe quel disque, musique ou son.

Mais avec Dance Tracks c’est un petit plaisir coupable que je ne me réserve que sur une poignée d’albums. Dont celui-ci car décidément il s’y prête merveilleusement bien.

So, Do You Know House Now ?

Tracklist:
01 Pacha – One Kiss (FOS Mix) (9:53)
02 Gypsy Funk De Fino (7:50)
03 Club Ice – Manhasset (Larry Heard Mix) (7:10)
04 Model 500 Starlight (3:36)
05 Alexis P. Suter Stop! (We Need Each Other) (6:24)
06 DJ Rasoul Let Me Love You Featuring – Shanan (6:50)
07 Norma Jean Bell Nobody’s Gonna Love Ya (5:35)
08 Bob Holroyd African Drug (Tribal Remix) (2:23)
09 Simphonia Can’t Get Over Your Love (Joey Negro Mix) (7:26)
10 A Man Called Adam Techno Powers (6:27)
11 Leslie Joy What Is Happiness (4:13)
12 Kerri Chandler Inspiration Featuring – Arnold Jarvis (5:29)

→ Page facebook
https://www.facebook.com/pages/Dance-Tracks/140924082613400

→ un lien vers le disque
https://www.discogs.com/Various-Do-You-Know-House-Volume-One/release/65629

La Butte Sainte Anne [Nantes]

S’il est bien un coin charmant à Nantes il s’agit sans nul doute de la butte Sainte Anne, colline située à l’ouest du centre-ville de la Cité des Ducs et faisant face à la Loire. 

Point culminant de la ville

Peu de Nantais le savent mais il s’agit du point le plus élevé de leur ville. C’est sur cette jonction entre le sillon de Bretagne et la Loire que se niche ce pittoresque quartier qui est le plus original de l’agglomération (avec celui du petit port de Trentemoult). En effet sa situation un peu atypique en a fait un endroit qui surplombe Nantes et qui offre par la même occasion un superbe belvédère sur les alentours. Le genre de coin parfait pour un apéro improvisé au passage.

Second meilleur panorama sur Nantes après la Tour Bretagne, on peut y voir à la fois la vieille ville, une bonne partie de l’Ile Beaulieu, la ville de Rezé qui est un peu plus loin et enfin l’ancien village de pêcheurs de Trentemoult. Tous ces sites sont bordés par la Loire qui quant à elle coule juste devant la butte qui constitue le point le plus septentrional du Sillon de Bretagne, massif de granit qui traverse la région Bretagne de part en part.

Le Montmartre nantais

Ce quartier est souvent considéré comme une sorte de Montmartre nantais à la fois par sa topographie et par son côté culturel et artistique. En effet tout comme l’illustre quartier parisien, la butte Sainte Anne est située en hauteur et son aspect fait penser à un village dans la ville. Divers endroits remarquables qui inspirent nombre d’artistes complètent le charme du site.

Pour l’aspect culturel cela commence au niveau du belvédère où l’on peut admirer deux statues de bronze : celle du Capitaine Némo se repérant avec son sextant en direction de l’océan Atlantique … et derrière lui celle de Jules Verne enfant rêvant à sa future œuvre en regardant son futur héros de papier.

Outre le point de vue sur Nantes on y trouve aussi pêle-mêle le musée Jules Verne, le planétarium, une fresque retraçant l’arrivée des Acadiens à la fin du XVIIème siècle, une galerie d’Art, un club de basket et enfin l’Eglise qui donne son nom au quartier. On peut d’ailleurs voir de loin son clocher blanc reconnaissable entre mille et ce à de nombreux endroits de la ville.

Un âge d’or révolu

L’avenue Sainte Anne et la place des Garennes relient l’Eglise au grand escalier de cent vingt deux marches qui fait le bonheur des adeptes de course cardio. Ce dernier mène au Quai de l’Aiguillon.

Même si l’âge d’or de la butte est révolu depuis longtemps en raison de la disparition de nombreuses activités industrielles et manufacturières, cette grande artère représente encore le cœur vivant du quartier. Des petits commerces (principalement d’alimentation) rythment encore un peu la vie locale. De temps en temps on y organise également quelques vides greniers et autres petites braderies.

Enfin et pour l’anecdote on peut préciser que ce quartier est le premier à avoir accueilli des logements sociaux. Ce sont les grands bâtiments collectifs construits dans les années 1950 et qui en imposent par leur situation située sur le bord d’affleurement. D’abord jugés incongrus sur un tel site, ils se sont peu à peu imposés dans l’ensemble pour faire désormais partie intégrante du paysage local.

Une invitation à la création

Coin prisé des artistes en raison de son aspect un peu hétéroclite, la butte Sainte Anne est un de ces endroits où l’inspiration artistique est évidente lorsqu’elle n’est pas mise en valeur par les nombreux projets urbains de valorisations du patrimoine local.

Remise au goût du jour récemment car située juste avant le nouveau projet controversé (car disons assez coûteux) de l’Arbre aux Hérons dans l’ancienne carrière de Misery située juste à côté, la butte Sainte Anne connaît depuis peu un sursaut croissant de visiteurs nantais et d’ailleurs.

Pour conclure cet article sur ce coin qu’on vous recommande fortement, nous vous citons une formule qui résume bien l’essence même de l’endroit. C’est celle qui est inscrite sur la statue de Sainte Anne située au sommet du fameux escalier :

« Sainte Anne, patronne des Bretons, sois toujours favorable à nos marins et à d’autres navires ».

→ Lien sur le site de la ville de Nantes
https://www.nantes.fr/home/a-nantes-et-pas-ailleurs/decouvrir-nantes/les-symboles-nantais/la-butte-sainte-anne.html

Prince “Diamonds & Pearls” [1991]

Tout comme son titre l’indique en partie, on se trouve là devant un petit bijou comme Prince peut en sortir de son chapeau pour mieux nous séduire.

Pas son premier succès loin de là

Après l’échec de Graffiti Bridge en 1990, sorte de mauvaise suite du génial Purple Rain qui était lui-même la BO du film du même nom, Prince se ressaisit et effectue un brillant retour de forme avec ce disque qui présente deux particularités que l’on trouve rarement ensemble sur les albums du Kid de Minneapolis : un contenu musical de grande qualité et des tubes à succès en nombre.

En effet depuis l’époque Purple Rain sorti en 1984 et ses singles 45 tours à succès (le morceau titre, “When Doves Cry“, “Let’s Go Crazy“…), on n’avait pas vu le génial nain pourpre réussir à réunir succès critique et populaire aussi marquant. “Kiss” en 1986 n’avait pas sauvé en termes de ventes le superbe album Parade dont il était extrait. Et le double Sign O’ The Times sorti l’année suivante considéré comme l’apogée de la carrière de Prince fera quant à lui un score honorable. Mais il lui manquera pour tout exploser quelques tubes percutants à la “Alphabet Street” ou encore “Batdance” (sortis eux après sur d’autres albums).

Prince pour tout le monde !

Diamonds & Pearls ravira les fans comme les néophytes. Personnellement ce fut le premier des albums princiers avec Parade que j’ai découvert. Le choix fut aussi hasardeux qu’heureux pour la suite. En effet cela rassura vite l’auditeur versatile que j’étais à l’époque. Vous savez le genre qui ne se risque à écouter un nouveau truc que lorsqu’il a la garantie que des titres connus y sont présents. Cela rassure toujours.

C’est en effet bien pratique pour en parler autour de soi. Oui car promouvoir un obscur disque de musique expérimentale comme le même artiste en a aussi produit est quelque peu délicat dans les conversations des dîners en ville. Et pourtant des albums comme les deux Madhouse, Xpectation ou N.E.W.S sont pourtant de très bonne facture…

Un son live

Ce quatorzième album marque aussi un changement dans la conception même de la musique de Prince. D’ordinaire peu enclin à enregistrer en studio avec quiconque que lui-même ou presque, il va laisser des marges de manœuvre bien plus grandes à son groupe. Ce groupe renouvelé pour l’occasion de musiciens, chanteurs et danseurs pour le début des années 90 sont les fameux NPG (les New Power Generation).

Et plutôt que de perdre du temps à les laisser enregistrer leurs parties chacun de leur côté, Prince réunit tout ce petit monde lors des sessions d’enregistrement où les titres sont joués en prise live comme en concert (d’où la différence notable du son princier entre fin 80 et cette période qui ouvre la décennie 90).

Le contenu

Enfin pour revenir au contenu en lui-même vous aurez le choix entre titres funk/rock (“Thunder“, “Live 4 Love“), jazzy (“Strollin’”) et pop : le morceau titre, “Money Don’t Matter 2-night“, “Cream” (tous sortis en singles). On y trouve aussi un savant mélange funk/rock/rap (le génial “Gett Off“, N°1 en octobre 1991) ou encore soul (“Walk Don’t Walk“, “Willing & Able“).

Une suite sera très vite réalisée car produite presque en même temps : le fameux album Symbol en 1992. Malgré un paquet de bons titres du meilleur cru (“Sexy MF“, “The Continental“), celui-ci ne sera pas aussi uniforme et surtout un peu moins inspiré que son prédécesseur. Mais ça une autre histoire.

En effet ce sera le début du long bras de fer avec la compagnie de disques Warner et Prince. Cette mésentente légendaire le poussera à changer de nom en se faisant appeler tour à tour Love Symbol, The Artist ou encore TAFKAP (pour “The Artist Formely Knows As Prince“).

Souvent jugée ostentatoire, présomptueuse et ridicule, cette technique combinée au fait de ne plus apparaître dans les clips vidéo étaient en filigrane une technique pour protéger ses droits sur toutes ses nouvelles productions à venir. Période dans laquelle il se perdra un peu malgré des fulgurances (Come, The Gold Experience, le triple album Emancipation). Avant de revenir en grande forme dans les années 2000 (The Rainbow Chidren, 3121, Lotus Flower).

Prince est mort. Mais avec ce grand disque on peut en douter sérieusement. Longue vie au Prince !

Tracklist :
01. Thunder (5:45)
02. Daddy Pop (5:17)
03. Diamonds and Pearls (4:45)
04. Cream (4:13)
05. Strollin’ (3:47)
06. Willing and Able (5:00)
07. Gett Off (4:31)
08. Walk Don’t Walk (3:07)
09. Jughead (4:57)
10. Money Don’t Matter 2 Night (4:46)
11. Push (5:53)
12. Insatiable (6:39)
13. Live 4 Love (6:59)

E D I T H D E N A N T E S

→ Lien Wikipédia sur Prince
https://fr.wikipedia.org/wiki/Prince_(musicien)

→ Site officiel (eh oui il n’est pas mort. En tout cas pas sur le web !)
https://www.prince.com/

“Joker” [2019]

Assurément un des films coup de poing de l’année. Dans tous les sens du terme.

Grand film

Le réalisateur américain de Joker n’est ni plus ni moins que Todd Phillips. Oui c’est bien le même qui jusqu’ici avait versé (avec réussite) dans la comédie (la trilogie Very Bad Trip) ou dans le thriller War Dogs qui malgré son histoire véridique comportait une bonne dose d’humour. Humour noir certes mais humour quand même.

Ici dans Joker on aura du mal à trouver le même type de traitement tant la forme et le fond sont résolument tragiques. Il règne en effet une tension palpable de bout en bout dans cette claque de deux heures d’une descente aux enfers individuelle, le tout sur fond de révolte latente d’une société entière qui n’attend qu’une étincelle pour s’embrasser.

Le rôle-titre étant directement tiré de l’univers des comics, il est donc normal de retrouver des éléments de l’univers Batman dans son intrigue principale. Mais tout du long on n’a que peu l’impression d’être dans un film adapté des aventures du Chevalier Noir. Certes Joker raconte la genèse d’un des antagonistes les plus mémorables du cinéma et de l’univers Batman. Mais cette histoire peut se regarder et surtout s’apprécier même si vous n’avez que peu de connaissances et/ou d’attirance pour cet univers de supers héros comme de leurs adversaires hauts en couleurs et forcément relativement charismatiques pour beaucoup d’entre-eux.

Grande interprétation

Et que dire de la performance qui fera date de Joachim Phoenix (La Nuit Nous Appartient, Two Lovers, Her, The Sisters Brothers…) décidément abonné aux grands rôles?

Succédant à une longue suite d’acteurs qui ont tous livrés des performances du personnage propres à leurs jeux personnels et aux scénarios de différents films respectifs, Phoenix livre ici une partition incroyable de sincérité et d’une bouleversante crédibilité. On a rarement interprété la tourmente, le mal-être et la folie de façon si criante et si mémorable.

Comme l’étaient à leur époque des films notables comme Orange Mécanique ou Taxi Driver, c’est à la fois un spectacle qui dérange tout autant qu’il fascine. Jamais dans la surenchère, le personnage va peu à peu se déshumaniser à force de se prendre d’innombrables coups de la vie et de perpétuellement se redécouvrir. A tel point que l’on ne sait jamais pendant très longtemps où est la limite finale qui le fera définitivement basculer vers le côté obscur.

Ce personnage décidément hors normes du pire ennemi de Batman n’en finit pas de dérouter tant son évolution d’humain à créature nous entraîne dans une vertigineuse descente jusqu’aux tréfonds d’une âme tourmentée qui n’arrive jamais à trouver un éventuel salut ou même une simple échappatoire.

Qui est le vrai méchant dans l’histoire ?

Sans trop vous gâcher le plaisir si vous ne l’avez pas vu, on peut néanmoins insister sur l’aspect incroyablement pesant de l’ambiance générale qui règne sur le dernier tiers du film. On y découvre la folie criminelle naissante du Joker bien évidemment et qui apparaît par touches de façon particulièrement crue. Dans des gestes mais aussi dans des raisonnements qui interpellent forcément le spectateur et la spectatrice. Et cela force à se poser quelques questions : quelle est la vraie nature du Bien et du Mal, de la Lumière et de l’Ombre, de la Raison et de la Folie.

Le discours du film tend alors à se révéler plus noir, rendant l’atmosphère encore plus sombre. On atteint alors une forme de paroxysme cérébral comme on en avait plus vu depuis longtemps au cinéma. A se demander qui est le vrai méchant dans cette histoire. La société ? Ou les monstres qu’elle engendre ?

En somme Joker est peut-être le film le plus fasciste depuis l’extraordinaire Fight Club de David Fincher en 1999. Depuis ce film il n’y avait pas vraiment eu d’autre œuvre plus marquante sur ce type de thématique d’individus dressés les uns contre les autres au sein d’une société en plein déliquescence.

Même d’autres grands réalisateurs comme Nolan n’y étaient pas complétement parvenus. Les deux derniers volets de sa trilogie Dark Knight (où était présent un Joker magistralement interprété par le regretté Heath Ledger) étaient pourtant fortement imprégnés par un aspect qui flirtait avec le malaise d’une société corrompue et un certaine sentiement d’insurrection générale. Là aussi menée par un petit nombre d’individus très déterminés face à une majorité d’autres complétement dépassée par les événements (The Dark Knight Rises).

Une chose est sûre : comme son personnage principal, vous sortirez forcément un peu sécoué(e) de de cette expérience pure de cinéma. Une œuvre de ce calibre ne peut se digérer aussi vite que fumer une simple cigarette. Un conseil : allez boire une bière après.

E D I T H D E N A N T E S

→ Lien Wikipédia sur le film
https://fr.wikipedia.org/wiki/Joker_(film,_2019)

→ Un autre sur l’univers Batman DC Comics (section des antagonistes dont le Joker)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Batman#Ennemis