Midway [2019]

Ce n’est pas la première fois qu’est réalisé un film sur le sujet. Mais cela ne m’a pas empêché malgré quelques doutes d’aller le voir. Et par deux fois en plus !

Une crainte légitime

C’est devenu rare ces dernières années de voir des vrais bons films de guerre et a fortiori sur cette période qu’est la Seconde Guerre Mondiale. C’est le cas avec le diptyque de Clint Eastwood Flags Of Our Fathers en 2006 et Lettres d’Iwo Jima en 2007 ou encore Hacksaw Bridge (en français Tu Ne Tueras Point) de Mel Gibson en 2016 qui représentaient de vraies réussites aussi bien esthétiques que scénaristiques.

En tant que grand amateur d’Histoire militaire et plus particulièrement de la Guerre du Pacifique, j’étais dans une relative circonspection lorsque j’ai appris qu’un film sur la bataille de Midway allait se faire. D’où la crainte d’en ressortir déçu.

Je partais donc voir le nouveau film de Roland Emmerich (Stargate, Independance Day, Le Jour d’Après, 2012…) avec la sensation que cela n’allait être qu’une superproduction de plus sur un épisode historique bien connu de l’histoire américaine. En effet ce n’est pas le premier film qui a été fait sur cette bataille qui marqua un tournant dans l’affrontement entre les Etats Unis et l’Empire japonais entre 1941 et 1945. Un autre long métrage de bonne facture intitulé également Midway avait déjà été réalisé par Jack Smight en 1976.

Mon ressenti final après la projection était donc très mitigé. J’ai eu l’occasion de le revoir une seconde fois quelques jours plus tard en version originale cette fois-ci. L’expérience fut meilleure. Cela me conforte dans l’idée que décidément voir un film étranger en VO procure une expérience de cinéma bien plus agréable. Et surtout plus jouissive.

Un peu d’Histoire

Les Etats-Unis qui étaient restés neutres depuis le début de la guerre en Europe en septembre 1939 sont entrés dans le conflit suite à l’attaque surprise japonaise sur leur base de Pearl Harbor dans l’Océan Pacifique le 7 décembre 1941. Pendant quatre longues années ils vont mener presque seuls la sanglante Guerre du Pacifique, conflit dans le conflit où leur adversaire direct qu’était l’Empire japonais se révèlera jusqu’à sa défaite finale un ennemi aussi dangereux qu’acharné.

Au début de 1942 les Américains sont dans une posture militaire délicate. Leurs porte-avions que l’on voit dans le film vont se révéler être la clé des futurs grands affrontements à venir dont celui de Midway. Cet atoll perdu au milieu de l’océan Pacifique fut le théâtre d’une grande bataille début juin 1942. Les Japonais souhaitaient attirer les porte-avions américains rescapés de l’attaque de Pearl Harbor dans un combat décisif afin d’asseoir leur supériorité dans le conflit par l’élimination de ces derniers. 

Juste après la bataille de la Mer de Corail en mai 1942, c’est la seconde fois que deux flottes s’affrontent non pas directement à coups de canon mais le biais de leurs aviations embarquées respectives. C’est ce que l’on appelle l’aéronavale. Et c’est en grande partie sur l’histoire de ces marins et aviateurs que se concentrent le récit du film.

Se méfier des apparences

Midway de Roland Emmerich parait pompeux au premier abord : des scènes d’action dont certains effets spéciaux sont passables, des récits qui s’enchaînent très vite et surtout cette lancinante impression de ne voir qu’un énième film sur la supériorité américaine qui balaye tout sur son passage puisqu’au final c’est eux qui ont remporté la mise (pardon pour le spoil).

Le second visionnage du film dont je vous ai parlé m’a éclairé sur ce que je n’avais pas saisi lors du premier où j’étais trop concentrée sur les détails historiques. Quand on y regarde de plus près on se rend compte qu’Emmerich a su donner un peu plus de profondeur à son long métrage qu’il n’y parait au premier abord. Tout du moins sur l’aspect humain.

En plus des considérations stratégiques (s’assurer la maîtrise de l’océan et donc de la guerre), le film met en lumière quelques faits moins connus de cette époque. Le plus manifeste étant le rôle clé joué par les équipes de déchiffrage des services secrets américains. C’est en effet grâce à elles que les Américains purent prévoir à temps l’endroit exact de l’attaque japonaise et cela se révèlera être un avantage très net dans la bataille.

Un tableau réaliste

On oublie vite cette scène mais dès le début du film les Japonais font preuve de plus de réalisme que d’agressivité dans leurs raisonnements. Car c’est bien connu l’Histoire est écrite par les vainqueurs et il est souvent de bon ton de dépeindre le vaincu comme étant simpliste, belliqueux et sans grande réflexion sur les événements.

Cette vision est heureusement contrecarrée avec le point de vue développé par le personnage de l’amiral Yamamoto. Ce grand stratège de l’aéronavale japonaise avait prédit avec une précision étonnante qu’un conflit direct avec les USA ne pourrait qu’être perdu à moyen terme. Et tout au long du film les Japonais montrent une certaine estime de leur adversaire.

S’ils ne les croient pas capables de se sacrifier en jetant un avion endommagé sur un navire, ils sont plus enclins à ne pas sous estimer une autre forme de bravoure. En voyant les premiers pilotes américains qui attaquent leur flotte se faire descendre, un officier nippon se moque ouvertement de leur amateurisme. Un autre lui rétorque alors que “même les amateurs peuvent avoir de la chance“…

Et puis il y a ce sens de l’honneur poussé à l’extrême par les Japonais. Comme cette histoire véridique du contre-amiral Yamaguchi et de son enseigne de vaisseau qui décidèrent de rester sur leur porte-avions en feu avant qu’un destroyer de leur propre flotte ne l’achève…

Quelques petites maladresses

A bien tout analyser je n’ai trouvé qu’un seul vrai bémol dans le traitement historique du film. Je passe le plan d’introduction qui stipule que Midway fut la plus grande bataille navale de l’Histoire. C’est une erreur car ce fut en réalité un autre épisode de la Guerre du Pacifique : celui de la bataille de Leyte aux Philippines en octobre 1944. Et qui opposa une nouvelle fois Américains et Japonais.

Non le problème qui me taquine est ailleurs. Le film avance à rythme soutenu et cela se ressent lors du traitement de certains faits. C’est le cas pour l’épisode des réparations du porte-avions Yorktown qui est vite expédié et surtout l’absence d’un acteur clé de la bataille à savoir le contre-amiral Frank Fletcher. Lorsque son porte-avions fut endommagé à la bataille de la Mer de Corail, ce dernier l’avait fait revenir en catastrophe à Pearl Harbor pour réparation.

L’Histoire a souvent mis de côté cet officier en minimisant son action qui se révéla pourtant décisive. Et ce alors que ses qualités de commandement étaient toutes aussi remarquables que d’autres gradés tels que Halsey ou Spruance (qui apparaissent à l’écran). C’est de concert avec son supérieur Chester Nimitz qu’il fit tout son possible pour faire réparer en un temps record le navire (en moins de 72 heures) pour qu’il soit présent à la bataille suivante. Et ce sont également des avions du Yorktown qui coulèrent les porte-avions nippons.

Je me retrouve dedans

Bref si le film est encore dans les salles obscures à l’heure où vous lisez ces lignes je vous le recommande quand même. C’est instructif tout en étant un divertissement très correct. Je ne peux que reconnaître qu’Emmerich a livré là un film relativement abouti qu’il avait muri pendant de longues années avant sa mise en production. C’était en effet un projet qui lui tenait à cœur depuis les années 90 et des films comme Independance Day.

Je me retrouve bien dans cette démarche car c’est ce que moi-même je fais avec ce site et surtout dans les vidéos de la chaîne YouTube. Un projet personnel souhaité et développé pendant longtemps et une volonté d’être aussi honnête que possible tout en essayant de rester pertinent. On aime ou on n’aime pas la démarche mais cela c’est un autre point de vue !

+ d’infos sur le film
https://fr.wikipedia.org/wiki/Midway_(film,_2019)

+ d’infos sur la bataille de Midway
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Midway

Auteur : Edith de Nantes

Personnage Libre. C'est déjà bien mais c'est perfectible.